L’automne bat son plein et mon panier est vide.L’été fut desséchant, le terrain est arideEt les souffles de Mars aux lointains horizonsOnt dispersé la graine .. Hélas ! piètres raisonsLa meilleure ne peut adoucir ma blessureNi me taire les pas, l’approche lente et sûreDe hiver. Précurseur, je sens un long frissonParcourir tout mon corps. Faut-il à la moissonDire un adieu suprême ? Ou dois-je attendre encore ?Sur les pesants raisins que Vendémiaire doreFaut-il que mon regard se pose sans espoir ?…Chaque jour, c’est plus tôt que s’abaisse le soir…Un peu de temps — bien peu — ce sera triste et sombre,Décembre, les brouillards, le froid, l’éternelle ombre.Sur la ville et les champs, sur tout ce que j’aimaisSur mes désirs, mes yeux se fermant à jamais.L’automne bat son plein et mon panier est vide…Avant qu’on me descende, insensible et livideAu fond d’un trou béant, j’aurais voulu du fruitPourtant mordre la chair. Tout est-il donc détruit ?N’a-t-il point quelque part germé de la semence ?…Moissonner, récolter, cueillir — ô joie immense ! …Goûter au mûr produit de ma peine ; du vinDe rues pleurs déguster quelques bols ; puis sereinLaisser venir la fin, aux lèvres un sourire.Davantage ne veux, mais à moins je n’aspire.
E. Armand (Maison Centrale de Nîmes, 1921)